Partager avec les enfants handicapés

« Vivre ensemble »… et si on commençait par « écouter ensemble » ?

Aujourd’hui, les « grands » de 10 à 12 ans vont montrer leurs progrès au piano aux « petits », polyhandicapés comme eux, venus leur rendre visite.

Ils s’assoient côte à côte au clavier, l’un en fauteuil, l’autre à demi valide. Tour à tour chaque « grand » enseigne à son voisin ce qu’il sait jouer. Il lui prend la main, et les voici qui, à l’unisson s’essaient en rythme, selon la méthode pour enfants du compositeur et pédagogue hongrois Kurtàg, basée sur l’approche ludique du rythme et de l’harmonie sur le clavier: main à plat, coude, de deux doigts, en balayant les notes blanches ou noires avec un foulard pour épargner les doigts…

Comme chaque fois, la Classe des « enfants de Bach » a commencé par quelques minutes de silence complet « pour se laver les oreilles » a dit l’artiste. Suite à quoi chaque enfant doit dire ce qu’il a « entendu ». Un oiseau, un lointain avertisseur…peu importe que ce soit leur imagination: ils ont écouté, se concentrant sur l’audition.

C’est Delphine Bardin, pianiste concertiste, Lauréate du Prix international Pro Musicis, Prix du prestigieux concours Clara Haskil, qui anime avec un immense talent depuis 2013 ces classes d’initiation musicale et artistique lancées par Pro Musicis. Chaque mois, trois heures durant, dans cette institution pour enfants polyhandicapés, on y travaille l’attention auditive, la concentration sur l’écoute de la musique, sa traduction artistique notamment par la motricité manuelle.

Pour cela, un beau piano a été acquis grâce à une collecte de fonds en ligne. Chaque saison, c’est à plus de 90% grâce au soutien, des adhérents, d’entreprises amies et des fondations à renouveler sans cesse, que Pro Musicis peut mener à bien sa mission.

Après l’écoute du silence, exercice d’attention « obligée »: Delphine joue une pièce de Bach, brève, dansante. Elle leur demande ensuite ce que les enfants y ont « vu ». Ils sont attentifs, car ils le disent devant les autres, de manière souvent inattendue, drôle ou poétique.

L’artiste a défini avec la professeure de classe une progression pédagogique adaptée. Chaque élève participe, s’exprime au clavier:

– chacun joue son prénom sur les touches identifiées par des gommettes de couleur « à lui », avec la nuance demandée par les autres « piano », « crescendo », etc.
– à partir d’images d’animaux chacun essaie de faire deviner l’animal qu’il interprète
– l’artiste joue une pièce de Bach, de Fauré, Chopin…puis les rejoue. Lors de la seconde écoute il faut reconnaître le compositeur…
– on travaille la notation musicale: clé de Sol, « clé des filles », clé de Fa, « clé des garçons »,
– à l’écoute d’une pièce imagée « Au bord d’une source » de Liszt, les enfants dessinent, écrivent des poésies parfois bouleversantes: « Quand j’écoute cette musique, j’ai l’impression que ma vie va changer » écrit C… 12 ans.

En fin d’année les enfants présentent en public, à tous les pensionnaires de l’institution leurs chants, dessins, histoires; avec quelle fierté !

Des bénévoles uniquement, dans l’association Pro Musicis, dont la mission repose sur un triptyque indissociable: le concours international, le concert public avec cachet pour les Lauréats, les deux concerts de « partage » qu’ils offrent bénévolement pour les publics « oubliés », enfants en souffrance, handicapés, personnes âgées, isolées, dépendantes ou non. Plus de 100 Lauréats Pro Musicis de vingt pays font carrière dans le monde; en moyenne 21 concerts sont donnés en France chaque saison, les deux tiers de partage.

Les enfants handicapés: plus de 120.000 en institutions spécialisées en France. Débordées, elles ne peuvent assurer cet éveil artistique. Or pour ces petits, l’écoute de la musique c’est la découverte d’un monde imaginaire, qui leur appartient à eux seuls. Cela renforce leur capacité d’attention dispersée par les images, et peut aider à les structurer. Stimuler l’expression des polyhandicapés par l’écoute, le dessin, la poésie, le piano, plutôt que par la colère ou la dépression, leur donner un peu de fierté et d’estime d’eux-mêmes dont ils ont bien besoin, c’est tout l’espoir de Pro Musicis.

« L’inspiration artistique est le don le plus pur jamais offert à l’humanité; lui permettre d’être exprimée et la partager avec les défavorisés, telle est la merveilleuse mission de Pro Musicis »

Fr. Eugène Merlet, fondateur de Pro Musicis.